Ce 10 juillet 2012 est le 27e anniversaire de l'attentat commis par les services

Se souvenir du Rainbow Warrior

Ce 10 juillet 2012 est le 27e anniversaire de l’attentat commis par les services secrets français contre le navire de Greenpeace, le Rainbow Warrior, dans le port d’Auckland, Nouvelle-Zélande.

27 ans … Cela parait loin. Et pourtant, chaque année, cette date est essentielle pour Greenpeace. Car ce 10 juillet 1985 à minuit moins dix, Fernando Pereira est tué par l’explosion qui touche le navire. Père de deux jeunes enfants et photographe freelance pour Greenpeace, il venait d’avoir 35 ans. Ce jour a profondément marqué l’histoire, le parcours, de l’organisation et de ses militants.

À l’origine, la lutte contre les essais nucléaires

Depuis 1972, Greenpeace proteste régulièrement dans la zone du Pacifique contre les essais nucléaires français. Au printemps 1985, après une révision complète et un changement de gréement à Jacksonville, en Floride, le Rainbow Warrior entame un tour du Pacifique Sud, autour de l’atoll de Moruroa (et non « Mururoa » comme l’ont baptisé les militaires afin d’éviter les connotations gênantes).

Le Rainbow Warrior arrive début juillet dans le port d’Auckland pour préparer son voyage vers Moruroa et soutenir la politique anti-nucléaire de la Nouvelle-Zélande, il y reçoit un accueil très chaleureux … Mais le gouvernement français n’a pas l’intention de le laisser poursuivre son action.

Depuis plusieurs semaines déjà, un agent des services secrets français est parvenu à infiltrer l’organisation afin d’informer son gouvernement. D’autres agents viennent d’arriver, chargés d’une mission meurtrière qui va mettre fin, momentanément, aux campagnes du Rainbow Warrior dans le Pacifique.

Peter Wilcox et l’attentat du Rainbow Warrior par gpfrance

Tout est arrivé d’un coup, avec une première explosion. Le bourdonnement jusqu’alors constant du générateur, un fond sonore qui avait accompagné la vie à bord du bateau, avait été brutalement interrompu. L’obscurité avait été partiellement remplacée par la lueur lugubre des éclairages d’urgence. L’instant de silence avait presque immédiatement fait place à un violent fracas de verre qui se brise et au grondement soudain et féroce de l’eau. Les membres d’équipage ont immédiatement pensé que quelque-chose, éventuellement un remorqueur, les avait heurtés.

Deux minutes plus tard, la deuxième explosion : un éclair de lumière bleue avait déchiré la surface de l’eau trouble autour du bateau. Les membres de l’équipage qui se trouvaient déjà sur le pont avaient grimpé précipitamment à l’échelle ou bondi sur le quai. En l’espace de quelques minutes, ils s’étaient retrouvés devant ces mats jumeaux en acier inclinés dans leur direction. Leurs compagnons d’équipage Hanne Sorensen et Fernando Pereira étaient tous deux portés manquants. Hanne était remontée pour une petite promenade dans la nuit, promenade qui lui a sauvé la vie. Fernando, lui, était bien dans le navire…

« Il ne devait pas y avoir de morts »

Les agents secrets de la DGSE obéissaient aux ordres de Paris : « neutraliser » le Rainbow Warrior et empêcher Greenpeace de manifester à Moruroa pour s’opposer au programme des essais nucléaires français. Fernando n’était pas censé mourir cette nuit-là. Il ne devait pas y avoir de mort, selon le Capitaine Dominique Prieur, l’un des deux agents capturés par la police néo-zélandaise immédiatement après l’attaque.

La Nouvelle-Zélande a été exemplaire dans cette affaire, mais le pays tout entier a été heurté, touché. Les médias néo zélandais ont couvert l’affaire matin, midi et soir pendant plusieurs jours. Le monde entier a été choqué… Et la France ?
Le sabotage du Rainbow Warrior a provoqué un des plus grands scandales politiques et diplomatiques de l’époque du président français François Mitterrand. L’événement a été un désastre pour l’image de la France dans le monde. Surtout, le sabotage a provoqué une grave crise dans les relations du pays avec la Nouvelle-Zélande.

L’attentat du Rainbow Warrior a été un choc pour l’ensemble des militants de Greenpeace. En France une campagne de désinformation est orchestrée avec vigueur par les autorités. Il s’agit de faire passer la France pour une victime, l’agresseur n’étant autre que Greenpeace, organisation étrangère probablement manipulée par des intérêts ennemis… La manipulation est efficace et la suspicion entretenue coupe l’organisation du soutien de son public. Le bureau français de Greenpeace est contraint de fermer ses portes en 1987 et les rouvrira deux ans plus tard.

La plus grande tragédie a été le décès de Fernando. Un bateau peut être remplacé, même si le Rainbow Warrior était bien plus qu’un bateau. Mais un ami ….

Cette affaire a mis en lumière, dans le monde entier, le combat de Greenpeace, lui donnant encore plus de force et de détermination pour poursuivre ses missions.
Après l’attentat, après la découverte de l’infiltration d’un agent au sein de l’organisation, Greenpeace aurait pu se renfermer sur elle-même, devenir paranoïaque, ne plus vouloir de bénévoles, et craindre la transparence.
Mais voilà : nous avons choisi tout l’inverse. Nous avons choisi de nous approcher plus encore des valeurs qui ont fondé Greenpeace : non violence et transparence. Cela a pris des dizaines d’années, cela a demandé à des dizaines d’organisations de travailler main dans la main … mais les essais nucléaires ont été arrêtés.


Nous rappeler de notre propre histoire est essentiel. Pour en tirer des leçons, pour en rire ou pour en pleurer. Mais surtout, pour nous en inspirer pour l’avenir.